Alors que le n° 95 du bulletin municipal, relatait l’histoire de la croix de Saint Martin, une anecdote racontée au cours d’une conversation est venue étayer l’hypothèse de la mesure de grains à propos de la croix Bichet.
Située au bout de la rue qui porte le même nom, cette croix transcrit sur deux faces les descriptions du statut et la dévotion attribuée aux Saints patrons des fondateurs.
Sur le socle, on peut déchiffrer les inscriptions suivantes :
« ERIGEE A LA GLOIRE DE DIEU ET A L’HONNEUR DE St FRANCOIS ET Ste ANNE, PAR Sr Fçois LORY ADJOINT ET MADAME ANNE LEJEY SON EPOUSE, PROPRIETAIRE A St MARTIN DE LAIVES »
« RESTAUREE EN 1892 PAR ANNE LEJEY VEUVE FERREY ET SON FILS J.L FERREY-CLERGET D UNE PART ET C.BRESSAND-DURIAUX D AUTRE PART »
Le chef porte l’inscription « INRI » signifiant JESUS de Nazareth, roi des Juifs. Une étoile sculptée entre les bras et le fût symbolise la naissance du « Sauveur ». A l’arrière le cœur signifie l’amour et le Sacré Cœur, tandis que l’inscription « O CRUX AVE » (salut, o croix) en partie basse de la colonne, rappelle aux croyants le salut et l’espérance.
Deux petites niches abritaient sans doute jadis les statues du Christ et de la Vierge, un reposoir destiné aux livres sacrés (livre de prières) vient en saillie sur le socle.
La famille LEJAY était « propriétaire » à SAINT MARTIN de LAIVES, ce qui correspondait à un statut social important dans le village et une aisance financière certaine.
Il en est de même pour les familles LORY, BRESSAND et FERREY.
Dans les archives de l’état civil de LAIVES, on ne retrouve pas de patronyme BICHET, ni un nom de famille semblable ou approchant : ce n’est donc pas une lignée qui a donné son nom à ce petit édifice que chacun croise sur la route de Beaumont. Il s’agit probablement du bichet de grains, mesure variable d’une contrée à l’autre, d’une période sur l’autre.
Malgré l’instauration du Système métrique pendant la période révolutionnaire et différents aléas dans les applications des lois et décrets, il fallut attendre 1844 pour adopter définitivement le système des poids et mesures.
Cependant, les réticences locales appliquèrent certaines mesures anciennes jusqu’à la fin du 19ème siècle.
Les mesures de grains différaient, en fonction des céréales et de leur qualité!
La « grèneterie » (graineterie) en Bourgogne depuis l’époque gallo-romaine, fluctuait géographiquement selon les régions, les villages, les villes de grands marchés ou foires, telles que Chalon, ou les différents baillages. Les Abbés Clunisiens, Cisterciens, les Abbés de Saint Pierre à Chalon, possédaient aussi leurs étalonnages.
Pour exemples :
En 1829 : 1 mesure de grain de TOURNUS s’établissait entre 22 et 25 livres soit 11 à 12,5kg
A Chalon, 20 litres de blé équivalaient à 15kg, 1 bichet de blé valait 178,8litres, ce qui fait un poids de 134 kilos pour le bichet de bon blé à Chalon. De Tournus à Chalon, il n’était déjà pas facile de s’y retrouver!
Mais on retrouve aussi localement les mesures de BUXY, CUISERY, GIVRY, Saint GENGOUX…
Grâce à la mémoire des descendants de ces familles nous avons semble- t-il trouvé la clé de la dénomination de la croix. Les doyens contaient depuis plusieurs générations les récoltes abondantes et exceptionnelles, survenues au cours des années précédant l’édification du calvaire. Très pieux, les propriétaires successifs firent ériger et entretenir le petit édifice de dévotion en remerciement. C’est alors que la croix « CROIX BICHET » est venue s’implanter dans la zone des récoltes miraculeuses.
Rédigé par D. Revillet et corrigé par la commission culture de Laives Patrimoine.
Sources :
· Tableau des mesures les plus courantes en pays beaunois par Yvette Darcy-Bertuletti
· Mémoires de la Société d’histoire du droit et des institutions des anciens pays bourguignons. 1944/1945
· CAUE inventaire du petit patrimoine 2012
· Mesures locales du Centre-est (collectif)
· Les foires de Chalon sur Saône des origines au XVIe siècle par Paul Toussaint.